20 ans de la maraude médicale des Hauts-de-Seine : le témoignage de Karine

Le département des Hauts-de-Seine est un grand département, et nous avons de plus en plus de patients à voir. Quand je suis arrivée nous faisions une tournée par semaine, le mardi soir et maintenant nous en sommes à deux par semaine : le mardi et le jeudi (départ à vingt heures).
Beaucoup de personnes de la rue ont leurs habitudes. Elles sont connues des gens du quartier, ce qui leur assure souvent d’avoir de la nourriture en complément du Samu Social. Mais le soin c’est autre chose. Notre rôle est de les soigner : moralement et souvent, physiquement ! Soigner une personne, s’occuper de son corps c’est lui faire prendre conscience qu’il en a un, que celui-ci est fragile mais qu’il peut encore l’utiliser ! Il y a une vraie prise de conscience de leur dignité.
Nous existons par ce que nous sommes, mais notre corps est un moyen dont il faut prendre soin ! Voilà pourquoi le Samu Social Médicalisé est si important. Cela leur donne l’espoir de pouvoir exister et dans un idéal : sortir de la rue. J’ai compris une chose durant les maraudes. La fidélité et la régularité de nos tournées sont source de beaucoup de joie car elles assurent des résultats !

De belles histoires :

Quand un homme, avec des ulcères aux jambes, vous explique que les vers qui grouillent sur ses plaies ne le dérangent pas, car ils ne font pas de bruit, vous réalisez alors que nous avons dépassé certaines limites. Nous avons donc commencé les pansements, deux fois par semaine. Il y a eu des améliorations et des rechutes. Mais à ce jour, nous pouvons dire que nous sommes sur la bonne voie. Après avoir cherché un foyer, il vient d’intégrer celui de l’Olivier à Boulogne-Billancourt. Sa jambe va mieux et est en voie de guérison.

Quand on vous demande d’aller à l’entrée d’un parking, dans les rues de La Défense : pour aller à la rencontre d’une famille dont deux enfants et un bébé, vous ne savez pas à quoi vous attendre. Mais voilà, nous avons fini par les trouver, nous avons donné des consultations dans l’ambulance, offert des médicaments, des couvertures, des affaires pour bébé, de la nourriture, et surtout nous avons montré que nous étions là. Ils le savent et nous allons les voir régulièrement. Tout le monde va bien, mais nous surveillons.

Lors de ma première maraude, un soir d’hiver, je me suis retrouvée à laver les pieds et refaire des pansements assise sur le bord de l’ambulance. J’ai été reçue par des insultes et une agressivité, certainement dues à la douleur. Nous avons quitté cet homme avec des larmes de remerciement pour avoir écouté sa souffrance et s’être occupé de ses pieds.

Un monsieur en fauteuil roulant rencontré par hasard était terriblement agressif mais on se doutait que ça cachait quelque chose. La souffrance le rendait enragé. Quand on a finalement réussi à le faire s’approcher de l’ambulance, il a dit qu’il avait mal aux pieds, ses artères étaient sûrement bouchées et il ne pouvait plus tenir. Je lui ai proposé de les lui laver. J’étais assise sur le bord de l’ambulance et j’étais comme portée. Nous étions tous calmes et avons commencé à retirer ses chaussettes, ses pansements. Et moi je priais pour que ses orteils soient encore accrochés aux pieds, qu’il ne me reste rien dans les mains. Après cela, il s’est mis à pleurer tant il avait mal. Alors on l’a aussi soutenu moralement, beaucoup épaulé. Il nous a appelés par nos prénoms et nous a remerciés, puis avec juste un sourire il nous a dit au revoir.

Témoignage rapporté par Karine –  infirmière et bénévole au sein de la maraude médicale du 92