Pour ce petit-déjeuner de Noël, à Rennes, les bénévoles de l’Ordre de Malte distribuaient aussi aux personnes à la rue des boîtes de cadeaux confectionnées par des enfants.
« Il est 10 h 15, dimanche 25 décembre, sur le parvis de l’église Saint-Sauveur, à Rennes, et les bénévoles de l’association l’Ordre de Malte trinquent à Noël avec Zaya* et Yvan*. Sans abri, ces deux amis sont venus profiter de cafés chauds et d’un petit-déjeuner festif. Ils croquent avec appétit dans du pain beurré, tartiné de confiture, grignotent des cookies, épluchent des mandarines et, surtout, prennent le temps de discuter. Julien Gosseaume, délégué départemental d’Ille-et-Vilaine, confie : « Ce sont des gens qu’on voit souvent, parfois depuis des années ».
Avec d’autres bénévoles, Julien installe la tente de l’association tous les dimanches matins, de la Toussaint à fin juin. Ce matin de Noël, ils sont 8 à s’être proposés – suffisamment nombreux pour proposer, avant la permanence de deux heures, une maraude en ville. « C’est ma première venue, je suis là avec ma filleule, Astrid. Avec l’esprit de Noël, c’était l’occasion de s’investir, » partage un des bénévoles. D’autres, comme Christine ou Marie-Françoise, ne comptent plus les matinées passées auprès des sans-abri de Rennes. Si la maraude matinale de Noël n’a pas eu foule, faute à la pluie, Christine confie qu’il y avait bien une quarantaine de personnes, les dernières semaines.
Pendant la nuit des Solidarités, en mars 2022, plus de 2 000 personnes à la rue étaient comptabilisées dans Rennes, dont 106 sans-abri. « Ce ne sont pas les chiffres qui ont explosé, mais les besoins », révèle Julien. « On a un stock alimentaire assez bas, et on a surtout eu beaucoup de demande de vêtements avec le grand froid il y a quelques semaines ». D’ordinaire à pieds, les bénévoles organisent aussi, une fois par mois, une maraude vestimentaire en voiture. « Ceux qui distribuent l’alimentaire passent un coup de fil quand une personne a un besoin de couverture, de vêtements. Ils ont du mal à y croire, mais en dix minutes ils ont leur couverture », sourit Julien.
Il y a une vingtaine d’allées et venues, pendant leurs deux heures de permanence, mais certains restent assis plus longtemps. Ils prennent le temps de discuter, de rire – parfois même de s’embrouiller un peu. « Pas de ça ici, allez, c’est Noël ! », lance Yvan* entre deux regards noirs. Ça lève les yeux, pique un nouveau chocolat, et la discussion repart. « Heureusement qu’il y a des gens comme ça, sinon on serait bien triste. Ça fait vraiment du bien, » souffle-t-il, avec un semblant de sourire. « Ils donnent de leurs temps, le jour de Noël, c’est vraiment sympa ». Croissant en main, Yvan* bavarde avec une autre bénéficiaire, Sasha*, qui vient d’arriver.
Julien s’approche pour lui tendre un paquet : « Tenez, un cadeau ! ». Entre ses mains, une boîte de chaussure emballée dans les couleurs de Noël. Elles ont été confectionnées par des enfants d’établissements d’Ille-et-Vilaine. Pour cette troisième année, les cadeaux viennent de l’école Saint-Joseph à Bain-de-Bretagne et du collège Saint-Michel de Liffré. « On doit avoir plus de 200 boîtes », explique Julien « avec des produits d’hygiène, des douceurs, parfois un petit vêtement, et une carte de vœux faites par les enfants. C’est souvent ce qui touche le plus ». À ses côtés, Maxime* a déballé un ancien polo de la FFR – ça lui tire un sourire, même s’il doit le rendre, un peu trop petit pour lui.
« Mais c’est du beurre ça ! », s’exclame soudainement Yvan,* yeux brillants d’excitation. « Je peux en prendre ? ». Avant de partir, ils récupèrent tous quelques ressources alimentaires – là du pain, du yaourt, là-bas des bananes, des cookies -, ou encore des produits d’hygiène, dans des sachets que l’Ordre de Malte stocke en avance. « Aujourd’hui c’est compliqué de trouver quelque chose, tout est fermé », souffle une femme sans domicile fixe, arrivée sur les coups de 11 h 15. Alors que les bénévoles repliaient la tente, Marie-Françoise lui prépare quand même un sac avec de quoi manger ce midi – du pain, des clémentines, une banane. Le reste de sa journée de Noël, comme d’autres bénéficiaires ce matin-là, elle la passera sûrement au Puzzle, lieu dédié aux sans-abri à Rennes, pour se reposer. »
*Les prénoms ont été modifiés
Article du télégramme
Comment agir avec nous ?