International - Publié le 28/05/2018 Lecture 9 min

Madagascar : le fléau social de la fistule obstétricale

Lésion génitale grave, méconnue et souvent taboue, la fistule obstétricale brise pourtant la vie de millions de femmes et adolescentes.
En cette Journée internationale d’action pour la santé des femmes, nous mettons en lumière notre rôle à Madagascar dans la lutte contre ce fléau pour redonner à ces personnes meurtries la dignité qu’elles méritent.

Le difficile accès aux soins des femmes malgaches

Durement frappée par une crise politique d’ampleur entre 2009 et 2013, l’île de Madagascar a basculé depuis dans une situation économique et sociale critique.       
En plus d’un taux de pauvreté record (en 2017, plus de 80% de la population vit avec moins de 1,90 dollars par jour*), le ralentissement économique et l’insuffisance des infrastructures entraînent le désespoir des populations. 
Selon le FMI (Fonds Monétaire International), certains des « indicateurs d’éducation, de santé et de nutrition sont même parmi les plus faibles au monde ».

* Rapport Banque Mondiale, 4 octobre 2015

Dans ce contexte, les mères et leurs enfants sont les premières victimes d’un système de santé en souffrance. Malgré les nombreuses actions de santé publiques menées ces dernières années par le gouvernement, la situation sanitaire reste très préoccupante.
De nombreuses familles vivent éloignées des infrastructures de santé et les plus démunis sont confrontés à de nombreux obstacles pour accéder aux soins : manque de personnel, pénurie de médicaments et de fournitures essentielles, insuffisance et vétusté d’une grande partie des bâtiments médicaux…

LES MÈRES ET LEURS ENFANTS
SONT LES PREMIÈRES VICTIMES
D’UN SYSTÈME DE SANTÉ EN SOUFFRANCE

À ces freins structurels s’ajoutent un ensemble de facteurs aggravant la mortalité maternelle ou infantile dans le pays : un taux de fertilité élevé (4,2 enfants par femme en 2015), le nombre de naissances chez les adolescentes (117 naissances pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans en 2014), ou la faible fréquentation d’une structure de santé avant et pour l’accouchement. Ainsi, seules 38% des femmes accouchent avec l’assistance de personnel qualifié : si la mort de la mère ou de son enfant n’est heureusement pas l’issue systématique, de graves complications peuvent en revanche survenir durant l’accouchement. La fistule obstétricale est, de loin, la plus invalidante et dramatique sur le plan social.

Souffrance physique et détresse psychologique

Conséquence directe de cette grande précarité, la fistule est une lésion résultant d’un accouchement long et difficile, en l’absence de personnel médical qualifié.
Sa probabilité d’apparition est d’autant plus grande que la grossesse est précoce : jusqu’à 14 ans, le bassin trop étroit ne permet pas encore le passage d’un enfant.

Au bout de 2 jours de travail et en l’absence de décision médicale de césariser, si la jeune mère survit, la compression des tissus entre le vagin et la vessie ou le rectum,  causée par la tête du bébé, peut alors entraîner une nécrose des tissus. Dans la majorité des cas, le nouveau-né meurt et les conséquences pour sa mère sont particulièrement invalidantes : incontinence chronique, infections rénales et même – en l’absence de traitement, le décès.

Mais le pire pour ces femmes survient malheureusement après le drame : rendues honteuses à cause de leur incontinence, elles sont exclues de leur environnement social, répudiées par leurs maris et sombrent bien souvent dans un état dépressif pouvant les conduire au suicide. Marthe, atteinte d’une fistule à 23 ans, a subi cette marginalisation : « Tout le monde se moquait de moi et me traitait de puante. Je n’osais m’approcher de personne puisque je me sentais tout le temps mal à l’aise. » Abandonnée par son mari à cause de sa maladie, cette cultivatrice âgée de 45 ans aujourd’hui a aussi perdu son bébé pendant l’accouchement. Elle est aujourd’hui guérie.

« TOUT LE MONDE SE MOQUAIT DE MOI
ET ME TRAITAIT DE PUANTE »

Marthe Razanadrasoa, 45 ans, atteinte de fistule obstétricale depuis ses 23 ans.

Les enjeux d’une prise en charge globale

En moyenne, seuls 1 500 de ces 5 000 nouveaux cas sont traités.

Dans le cadre de notre action globale de protection de la mère et de l’enfant, au Pavillon Saint-Fleur d’Antananarivo et en stratégie avancée, nous prenons en charge depuis 2016 ces femmes atteintes de fistules obstétricales.

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Outre le traitement des fistules, le Pavillon Sainte-Fleur propose une prise en charge mère-enfant globale pour les femmes les plus démunies © Agence Premya

Mené en partenariat avec le FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la Population) et le ministère de la Santé malgache, ce projet doit contribuer à réduire la prévalence des fistules obstétricales de 50% d’ici 2025, dans le cadre des objectifs fixés par le Ministère de la Santé Publique*.

* Plan stratégique national pour l’élimination des Fistules Obstétricales à Madagascar 2014-2030

Détection des femmes souffrantes, chirurgie, suivi post-opératoire et accompagnement à la réinsertion ; mais aussi formation des personnels de santé locaux et sensibilisation des populations : notre approche est globale et participe au rétablissement de la dignité de ces personnes meurtries.

Parmi les femmes accueillies au Pavillon Sainte-Fleur, celles qui souffrent de fistules obstétricales sont particulièrement vulnérables. Souvent marginalisées depuis plusieurs années et dénutries, prédisposées à une infection, leur prise en charge est difficile.
Dans ce contexte, notre but premier est de restaurer leur continence, par la chirurgie, afin de faciliter la réinsertion sociale.
Ces opérations parfois complexes (taux de réussite de 60 à 90% selon les cas), nécessitent les compétences pointues d’opérateurs spécialisés. Elles sont assurées bénévolement par plusieurs chirurgiens français, au rythme de 2 missions par an permettant d’opérer chaque fois 20 à 25 femmes.

« NOS MISSIONS PERMETTENT DE GUÉRIR LES MALADES
DANS PLUS DE DEUX TIERS DES CAS »

Dr. Dumurgier, chirurgien en mission au Pavillon Sainte Fleur.

Parmi eux, le Dr. Dumurgier souligne l’importance du transfert de compétences : « La formation des personnels hospitaliers contribue à pérenniser notre combat pour améliorer la santé maternelle, mais également à sensibiliser la société civile sur les mesures de prévention ». Ainsi, 3 chirurgiens sur place sont déjà formés aux techniques opératoires des fistules et 6 sages-femmes le seront à l’issue de la prochaine campagne, en juillet.
Cette professionnalisation du personnel médical local est indispensable, car elle permettra à terme de remédier de façon pérenne aux difficultés de prise en charge des fistules obstétricales à Madagascar.

La chirurgie n’est qu’une première étape de la réhabilitation sociale des femmes fistuleuses.
Quinze jours d’hospitalisation sont nécessaires, en moyenne, pour assurer les soins post-opératoires et notamment la surveillance d’une bonne cicatrisation. Pour Marthe, cela n’a pas été simple : « J’ai déjà été opérée une première fois en août 2017 mais la chirurgie a échoué. ». Il faudra une seconde intervention pour qu’elle retrouve sa continence et soit enfin soulagée de ce fardeau qu’elle portait depuis plus de vingt ans. « Ce fut une grande joie pour moi d’être parmi celles qui ont pu bénéficier de la prise en charge par le Pavillon Sainte-Fleur. L’envie de guérir m’envahissait tellement que je n’ai pas eu peur pendant l’opération. Je suis ravie de m’être débarrassée de cette maladie honteuse et je remercie toute l’équipe du Pavillon Sainte Fleur ! ».

« L’ENVIE DE GUÉRIR M’ENVAHISSAIT TELLEMENT
QUE JE N’AI PAS EU PEUR PENDANT L’OPÉRATION.
JE SUIS RAVIE DE M’ÊTRE DÉBARRASSÉE
DE CETTE MALADIE HONTEUSE ! »

Marthe Razanadrasoa, 45 ans, atteinte de fistule obstétricale depuis ses 23 ans

Comme 70 femmes déjà opérées dans le cadre de ce projet, Marthe a bénéficié d’un hébergement et de repas pris en charge par le FNUAP.

Alors qu’approche la quatrième des six campagnes d’opération prévues d’ici 2019, le Dr. Dumurgier voit déjà plus loin : « La fistule obstétricale brise la vie de millions de jeunes femmes. L’engagement de l’Ordre de Malte France dans ce combat complexe à Madagascar est une première étape. Après une évaluation de faisabilité, nous pourrons l’étendre aux autres maternités de l’Ordre de Malte en Afrique »

 

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