À 38 ans, Anaïs est aujourd’hui en internat complet au Foyer de vie Jeanne D’Arc à Vigneux-sur-Seine (91). Arrivée dans cet établissement dédié à l’autisme depuis 2006, son parcours ne relève en rien de la facilité, à l’instar de nombreuses personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. Ses parents, très impliqués, veulent lui apporter le plus de chances possibles de mener une vie sereine, en harmonie avec ses capacités. Jacqueline, sa maman, partage avec nous son histoire.
Anaïs vit dans la partie du Foyer que l’on appelle ici « la Maison Bleue ». Il s’agit d’un petit étage, un peu à l’écart, où cohabitent six résidents vivant avec autisme. Chacun dispose de sa chambre et de sa salle de bains, avec une salle commune pour les repas. On s’y sent un peu comme dans une vraie maison. « Ici, le nombre de résidents accueillis est moindre que dans les autres unités. La prise en charge y est spécifique », explique Jacqueline.
Enfant unique, Anaïs n’avait pas encore 1 an lorsque ses parents ont commencé à se douter de quelque chose. « On s’est dit qu’il y avait quelque chose de différent dans son développement, par rapport aux autres enfants du même âge, se souvient Jacqueline. On ne savait pas trop quoi : dans le regard, dans l’accroche à l’autre, dans ses longues nuits… elle dormait beaucoup, ce qui n’a plus été le cas par la suite. »
À 2 ans ½, Anaïs est prise en charge en hôpital de jour à Paris. « À ce moment-là, les médecins généralistes n’étaient pas très au point sur ce type de difficultés, souligne Jacqueline. On a fait des tests, des examens (…) qui n’ont rien révélé alors. (…). Vingt ans plus tard, on a refait des dépistages génétiques et on s’est aperçu d’une anomalie sur un chromosome ». Génétique, psychiatrie, psychologie… beaucoup de pistes sont explorées, mais malgré cela les questions demeurent sans vraies réponses. « On avait le mot autisme, quelque part, en toile de fond, mais sans jamais rien d’officiel ». Aujourd’hui, la terminologie « troubles du spectre de l’autisme* » est mieux adaptée, car elle englobe un certain nombre de traits autistiques variés, selon Jacqueline.
Après avoir été suivie en hôpital de jour dans 3 structures différentes, Anaïs est accueillie au Foyer Jeanne D’Arc en 2006. Elle a alors 24 ans. Au départ, elle va au foyer une semaine sur deux, en alternance, entre le foyer et chez ses parents. Mais cette solution n’est pas viable. « À ce moment-là, on a observé quelques régressions en termes d’autonomie, raconte Jacqueline. Quand Anaïs était plus jeune, elle était capable de rester un peu seule. Maintenant, ce n’est plus possible, sauf quand elle le décide d’elle-même ». Il faut attendre 2015 pour qu’Anaïs obtienne une place en internat complet, mais, pour ses parents, ce n’est toujours pas l’idéal, car Anaïs vit 24h sur 24 en collectivité, ce que déplorent ses parents.
« Beaucoup de temps pour comprendre »
Les problèmes de comportements sociaux caractérisent la plupart des personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme. Chez Anaïs, cela se manifeste de différentes manières. « Elle peut être embarquée dans de grosses obsessions, confie sa maman. Il y a beaucoup de choses qu’elle ne supporte pas. Comme – par exemple – le savon solide qu’elle ne peut pas regarder.
La moindre petite trace de liquide dans une tasse, le moindre petit détail qui la contrarie ou l’indispose peut faire dégénérer la situation… et la liste des choses à bien avoir à l’esprit est longue. « Porter des vêtements en laine, c’est compliqué. C’est épidermique. Elle a une sensorialité exacerbée explique sa maman. On ne peut pas toucher Anaïs comme cela. Même pour l’embrasser, il faut que je la prépare. Même chose avec les bruits soudains, qu’elle n’aime pas du tout. » Pas beaucoup de place pour le spontané, pas trop d’espace non plus pour l’imprévu… La répétition, les rituels sont essentiels à la stabilité émotionnelle des personnes autistes en général. « Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre », admet Jacqueline.
Quand on demande à Jacqueline et à son mari comment on vit avec la différence de son enfant, la réponse n’est pas simple à formuler. « Je ne sais pas si on l’intègre vraiment un jour, dit-elle, sincère. On subit plus qu’autre chose ou plutôt on fait, on doit faire avec. Quel que soit le handicap, le jour où les mots redoutés sont prononcés, cela met un coup d’arrêt à vos espérances », poursuit-elle. Et aujourd’hui, « Anaïs prend conscience qu’elle est handicapée et que ça ne va pas changer ».
Parce qu’être autiste ne signifie pas être dépourvu de centres d’intérêt, ses parents, comme les accompagnants éducatifs qui l’entourent, sont très investis pour la stimuler. Anaïs apprécie de nombreuses activités. Musique, lecture, dessin… font partie intégrante de sa vie. Mais, les petites choses du quotidien, accessibles à « n’importe qui », ne le sont pas pour elle. Par exemple, pour aller chercher du pain, lorsqu’elle est au Foyer, elle est accompagnée par un éducateur, qui reste à l’extérieur de la boulangerie. « Pour ce genre de situation, un protocole d’attitudes et d’actions est appliqué », explique Jacqueline.
Comme n’importe quels parents, Jacqueline et Dominique se demandent comment l’avenir de leur enfant va se dessiner. Comme n’importe quels parents… sauf que dans le cas d’Anaïs et de toutes personnes en situation de handicap, la question de « l’après » devient presque omniprésente à l’esprit. « Quand nous ne serons plus là, les rares personnes qui pourraient l’accueillir ne viendront pas vivre en région parisienne », s’inquiète la maman d’Anaïs. Un point noir sur lequel elle insiste. « C’est terrible si les accompagnants ne sont pas formés à cette réalité -là. (…) C’est préoccupant, angoissant pour les familles – vieillissantes elles aussi. Comment prévoir un futur acceptable pour notre enfant quand on sait qu’il n’y a pas d’issue satisfaisante et que nous, parents, arrivons en fin de parcours ?
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Crédit Photos : Maud Fée
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